La lettre de cadrage du premier ministre est limpide et explicite : outre des banalités concernant l’intérêt commun des agents et des usagers, il s’agit de faire baisser la part des dépenses publiques pour un équivalent de 3 points du PIB, soit 60 à 80 milliards d’économie en proposant « des transferts entre les différents niveaux de collectivités publiques, des transferts au secteur privé, voire des abandons de mission. » La porte est donc grande ouverte aux privatisations et au centrage sur les missions régaliennes de l’État (défense, police, justice, émission de monnaie).
La composition de comité d’experts fait frémir. Avant de détailler les parcours de ses membres, remarquons qu’aucun membre de la société civile, responsable de service public ou syndicaliste, n’est convié. Seul.es des énarques, hauts fonctionnaires amis d’Emmanuel Macron ou ayant fait une partie de leur carrière dans le privé, ainsi que des chefs d’entreprise et de start-up y figurent. Ces personnes vont devoir se prononcer sur la privatisation des services publics alors qu’ils ont un intérêt financier à jouer. Pour prendre la mesure du conflit d’intérêt, voici le portrait de quelques-uns d’entre eux :

"-" le président du Comité est Robert McInnes, président du Conseil d’Administration de Safran (grand groupe de l’aviation, l’espace et la défense). Il a été membre du conseil de surveillance de la Générale de santé, groupe privé de cliniques qui se spécialise dans les activités les plus lucratives remboursées par la Sécurité Sociale. On l’imagine heureux de favoriser la privatisation de la santé. Il a également été vice-président d’une banque d’investissement australienne qui rachète toutes les infrastructures stratégiques et des pans entiers du domaine public en Australie (réseau de gaz et électricité, autoroutes, ports et aéroports, concessions d’eau). Est-il le mieux placé pour défendre le service public ?

"-" Stéphane Brimont est président de Macquarie pour la France et le Bénélux. Pour cette banque, il est chargé de développer sa présence dans le marché des infrastructures en Europe et particulièrement en France. Comment rêver mieux qu’être expert dans le comité action publique ?

"-" Guillaume Hannezo, associé gérant à la banque Rothschild en même temps qu’Emmanuel Macron et conseiller du fonds américain Lone Star y est très engagé dans l’immobilier et les infrastructures.
Voilà pour la partie « privé » des experts.
Les hauts fonctionnaires et énarques sont très proches de l’Institut Montaigne, think tank néolibéral, ont travaillé dans les cabinets de Nicolas Sarkozy ou de Manuel Valls. Et n’oublions pas les entrepreneurs de start-up, chargés de « dépoussiérer » la vieille et old-fashionned Fonction Publique.
Les ingrédients sont réunis pour dynamiter la Fonction Publique. Ce comité n’a que 6 mois pour repenser le service public. Comment peut-on croire qu’une évaluation des dernières réformes publiques, telles que la Lolf, la RGPP pourra être menée ? Qu’une analyse de l’efficacité des partenariats public-privé, des privatisations sera engagée ?
Faisons tout pour qu’Anicet le Pors, ancien ministre de la Fonction Publique, ait raison : agent.es des services publics, fonctionnaires, faisons échec à ce projet et défendons notre conception du service public et de la fonction publique !
Texte inspiré de la lecture d’un article de Martine Orange sur Mediapart du 27 octobre 2017 et de la tribune d’Anicet le Pors dans l’Humanité du 3 novembre 2017