Mi-novembre, le ministère a annoncé par la voix de sa DGRH une réforme radicale de l’évaluation des enseignants pour la rentrée 2012.
Etat des lieux sur le projet actuel qui est autant un moyen de s’attaquer à nos statuts que de réduire les salaires de façon invisible.
Un projet qui change radicalement nos métiers
Le projet prévoit la suppression du système actuel (voir ci-dessous) pour le remplacer par une évaluation unique par le chef d’établissement lors d’un entretien individualisé tous les 3 ans. Heureusement l’éducation nationale a pensé à tout ! Selon la DGRH Josette Théophile (1), l’évaluation "ne se résume pas au chef d’établissement" : "On part d’une dynamique d’auto-évaluation où l’enseignant réfléchit sur la façon dont il enseigne et dont il s’évalue". Les critères d’évaluation, basés sur le référentiel de compétences du professeur (qui sert déjà à la validation des stagiaires), approuvés par l’inspection, prévoient en particulier :
– La capacité de l’agent à faire progresser ces élèves.
– L’amélioration de ses connaissances disciplinaires et didactiques.
– Son implication dans l’établissement (relations avec les parents, mise en œuvre de projets …).
– La capacité à améliorer « la qualité du cadre de travail des élèves » (= autorité et rayonnement).
Pour l’évaluation des progrès des élèves, on appréciera la position de Josette : « Dans l’absolu c’est une difficulté, mais dans le cadre d’une évaluation régulière tous les 3 ans, on peut utiliser des indicateurs comme la réussite aux examens ou le niveau de la classe ». La capacité des chefs d’établissement à évaluer les compétences disciplinaires ne lui pose pas non plus problème puisqu’ « on ne peut pas découper une personne en tranche et évaluer des morceaux. Or c’est au chef d’établissement de formuler l’appréciation de synthèse ».
Après discussion sur ces critères d’évaluation, l’entretien portera sur les besoins d’accompagnement de l’enseignant (tutorat, formations …) et sur ses perspectives d’évolution professionnelle en termes de carrière et de mobilité.
Cette évaluation permettra au chef d’établissement de proposer des mois de réduction d’ancienneté pour accélérer l’avancement qui sera sur le rythme actuel de l’ancienneté pour tous. Le chef aura ainsi une enveloppe de réduction d’ancienneté à répartir (à priori 250 mois par an, pour 100 agents, sans obligation de tout distribuer).
(1) Propos extraits d’une interview de Josette Théophile dans le café pédagogique le 15/11/11.
Une réforme de plus pour démolir l’Education Nationale et ses personnels.
Ne nous trompons pas, cette réforme est très cohérente avec l’ensemble des mutations que subit l’Education Nationale en ce moment. Le premier aspect est de détourner l’attention des profs et de l’opinion publique des suppressions de postes pour la prochaine rentrée, et par la-même, cacher le futur budget du Ministère de l’Education Nationale. Electoralement, la mesure permet au gouvernement de se revaloriser auprès de l’électorat de droite en cassant du prof, ces « privilégiés protégés par leurs statuts ». Cette réforme rentre enfin en parfaite cohérence avec la modification des statuts de la Fonction Publique d’Etat (rappelons que certains personnels de l’EN comme les infirmières ou les secrétaires sont déjà passés à ce mode d’évaluation).
Surtout, la méthode est brutale puisque cette réforme se fera sans passer par la voie législative, avec un décret et un arrêté écrits sur un coin de table et modifiables à tout instant par le gouvernement. Le calendrier est aussi très éclairant sur la volonté de faire passer le maximum de réformes avant un éventuel changement de majorité (qui ne reviendrait pas forcément en arrière) et sur l’absence de réelles négociations avec les syndicats.
Prime à la docilité
Il s’agit bien de faire pression sur l’ensemble des collègues par un lien de subordination direct et unique aux chefs d’établissements. Les pressions que ces derniers pourront exercer ne feront qu’accentuer le sentiment d’injustice. Les phénomènes de Cour et la prime à la docilité permettront de « décrocher » un avancement plus rapide.
Bien entendu, cette réforme ne fera pas disparaître la souffrance au travail, déjà bien accentuée ces dernières années par la multiplication des attaques contre le service public d’éducation.
Les dérives de cette nouvelle évaluation sont nombreuses : individualisation de la gestion de carrière qui empêchera des réactions collectives à cause d’intérêts particuliers ; objectifs 100% aux examens pour amener la preuve qu’on a fait « progresser les élèves » ;) et à terme des recrutements des enseignants titulaires par le chef d’établissement.
La pétition en ligne – (http://retraitduprojetevaluation.net/" class=’spip_out’ rel=’external’>http://retraitduprojetevaluation.net/) – et le nombre de signatures font déjà reculer le ministère. Il faut amplifier notre action en étant dans la rue le 15 décembre pour demander le retrait de ce projet de décret !!!
L’état actuel de l’évaluation
Les enseignants du second degré sont actuellement évalués par une double notation : une note pédagogique (/60) attribuée après inspection et une note administrative (/40) attribuée annuellement sur proposition du chef d’établissement. Ce système d’évaluation reflète le cœur du métier d’enseignant et tient compte de la spécificité de l’enseignement de chacune des disciplines. Cependant le rythme disparate des inspections d’une discipline ou d’une zone géographique à l’autre, l’a rendu très injuste et créant un grand décalage dans le déroulement d’une carrière (jusqu’à 10 ans d’écart).
Le projet du SNES-FSU
Pour le SNES-FSU, l’évaluation doit d’abord avoir pour objectif l’amélioration du service public d’éducation, et non le contrôle d’une masse salariale par la gestion des carrières des personnels. Attaché à la double notation, le SNES-FSU considère que le rôle des IA-IPR (Inspecteurs pédagogiques régionaux) doit être revu dans le sens de l’aide et du conseil. L’avancement et l’évaluation doivent être déconnectés comme c’est le cas pour les chefs d’établissement et les IA-IPR.
Pour éviter toute injustice dans le déroulement des carrières, le SNES-FSU revendique le même avancement pour tous : rythme unique sur la base de l’actuel grand choix jusqu’au sixième échelon et du choix ensuite.