Rencontre avec Gréogory Frakowiak
secrétaire national du SNES FSU et animateur du stage
Quelle est la pertinence selon toi d’organiser un
tel stage sur l’enseignement public / privé en ce
moment ?
Il y a une double pertinence : la première c’est de participer
à la construction de la démonstration que le financement de
l’enseignement privé sous contrat (qui est majoritairement
confessionnel très largement catholique) est une sorte d’ineptie.
Ineptie au regard à la fois des besoins de l’école publique et
à la fois du principe de laïcité auquel il contrevient largement
puisque l’État finance non seulement sa propre concurrence,
celle de son école qui est la seule école de toute la jeunesse dans
ce pays; et dans le même temps, il finance indirectement un
culte puisque l’école privée sous contrat est à 95 % catholique.
Le deuxième intérêt dont on ne doit pas perdre de vue la
quintessence est de réexpliquer pourquoi nous défendons l’école
publique plutôt que la possibilité de concurrence et d’une sorte de marché scolaire. Il faut que nous réexpliquions la beauté, les sublimes beautés de l’école publique, gratuite et obligatoire, ses ambitions civiques, intellectuelles et sociales. Elle est la seule école à avoir l’obligation de scolariser partout tous les élèves, la seule école aussi à avoir créé un cadre émancipateur par les savoirs qui place la connaissance et la réflexion au dessus de tout dogme ou ligne de pensée. C’est enfin la seule école qui a pour ambition d’offrir à toute la jeunesse de tout le pays la capacité d’être pleinement libre de faire des choix. Libre ici ne veut pas dire autonome ou individualiste mais libre de faire des choix de s’inscrire dans des mouvements collectifs qui portent l’intérêt général. Il faut faire le double travail syndical , dénoncer un état de fait qui est le financement d’une école privée sous contrat et en même temps dire pourquoi nous le faisons au fond. Et au fond nous le faisons parce que l’école publique gratuite et obligatoire c’est beaucoup mieux .
Comment on arrive à moins d’enseignement privé ?
Je crois que le vent tourne et que le contexte nous est favorable. Le contexte est favorable à la république de façon plus générale. On nous dit qu’il y a la nécessité de trouver de l’argent parce qu’il n’y en a plus. Or là il y a une dépense d’au moins 10-12 milliards pour l’État (sans compter les collectivités territoriales) qui est illégitime au regard des principes de la république et de l’attention première qu’elle doit porter à son école. Il y a également un contexte de séparatisme social et scolaire incarné par l’école privée. Il est inadmissible au-delà même des principes que l’école privée sous contrat, qui est une sorte d’ilôt de ségrégation sociale, soit financée. Alors qu’en même temps d’autres scandales démontrent qu’il y a une sorte de séparatisme idéologique qui peut aller jusqu’à porter atteinte à la dignité de la jeunesse. On le voit avec le scandale absolu de Betharam et consorts. Il ne faut pas d’ailleurs s’obstiner uniquement sur Betharam. Depuis, quasiment tous les jours, on a des informations qui nous disent que des élèves scolarisés dans des établissements privés portent plainte pour les mauvais traitements qu’ils y ont subis. De ce point de vue là, le débat est tranché : il y a eu financement de violence systémique sur la jeunesse avec un aveuglement de l’État qui s’est abstenu de quasi tout contrôle depuis fort longtemps. Le contexte est donc favorable à persuader l’ensemble de la population que nous ne sommes pas dans la guerre scolaire mais dans l’ambition de scolariser tous les élèves dans un climat protecteur et dans une école qui les fait grandir, les émancipe et leur donne les clés de l’autonomie.
Pourquoi l’école publique protégerait davantage les élèves que celle du privé ?
D’abord parce qu’elle est plus contrôlée. Il n’est pas question de dire qu’il ne peut pas y avoir de déviances et des difficultés liées à la protection de l’enfance dans le public. Ça peut arriver. Sauf que la présence de représentants de l’État, et notamment le statut de fonctionnaire, leur crée des obligations qui sont essentielles à assumer vis à vis de l’enfance. S’il y a des scandales dans le public , ils sont donc ponctuels mais ne relèvent pas du caractère systémique qu’on a pu voir dans certaines écoles et certains réseaux catholiques privés. De ce point de vue là ils sont donc mieux protégés. Deuxième élément, l’école publique a l’obligation de ne pas contraindre les consciences. C’est une de ses sublimes beauté. L’école publique accueille tout le monde quelle que soit son origine sociale, culturelle ou territoriale, ses options spirituelles, cultuelles ou philosophiques. L’école publique crée les conditions pour que chacun puisse vivre avec l’autre en s’écoutant et en réfléchissant ensemble et cela avec des règles pour éviter le prosélytisme. Ces règles permettent que personne ne contraigne quiconque, ni les personnels, ni les élèves entre eux. Cela doit créer le contexte d’un apprentissage autour des savoirs qui permet à chacun d’avoir un confort d’éducation émancipateur. Elle est plus protectrice techniquement, intellectuellement et elle est plus ambitieuse car cette protection est une ambition.
Si tu devais résumer la situation actuelle pour désigner la situation dans laquelle on est dans ce rapport public/privé ?
Cohérence car on doit être cohérent et maintenir nos principes. Ambition car on doit être ambitieux de vouloir démontrer que le public c’est bien mieux. Conviction car Il nous faudra convaincre toute la population de cela.
ARDÈCHE