Lettre ouverte à Monsieur Alain Triolle, Préfet de l’Ardèche
Monsieur le Préfet,
Le collectif ardéchois « Nous ne céderons pas… » tient à dire son opposition à la prorogation de l’état d’urgence, votée le 18 mai par le parlement.
A l’instar de la Ligue des Droits de l’Homme qui dénonce l’interdiction faite à des militants « de participer à des manifestations contre la loi travail en s’appuyant sur les dispositions de la loi sur l’état d’urgence », nous souhaitons affirmer que « Ces interdictions ne reposent que sur la présence réelle ou supposée de telle ou telle personne à des manifestations, sans que n’ait été retenu à leur encontre aucun fait répréhensible autre que de protester contre les violences policières ou contre la loi travail dont l’Assemblée nationale n’a pu débattre jusqu’au bout en raison de l’usage de l’article 49.3 de la Constitution ». Nous craignons des dérives sécuritaires et antidémocratiques n’ayant d’autre but que de faire taire toute contestation sociale par l’utilisation de la force la plus brutale.
Suite au rapport d’Amnesty International sur les conséquences pour les personnes visées par les mesures résultant de l’état d’urgence, nous ne pouvons que nous alarmer de la situation de stigmatisation et de précarité dans laquelle beaucoup se trouvent plongés, sans qu’aucune procédure judiciaire justifiant de cet état de fait n’ait été lancée. Pour nous tous également, l’état d’urgence est « contraire aux engagements de la France en matière de droits humains ».
Même le Défenseur des droits, saisi par plusieurs dizaines de plaintes déposées suite à des perquisitions violentes et des assignations abusives, se voit contraint de faire des recommandations dans le cadre des perquisitions administratives pour protéger les enfants ou encore au sujet des « dénonciations anonymes », sur la nécessité d’une enquête administrative en amont pour « vérifier les allégations ». Il a même exprimé l’avis que le schéma de guerre dans lequel se place le gouvernement se traduit par le fait que les personnes sont considérées non plus pour ce qu’elles font mais pour ce qu’elles sont ou sont susceptibles de faire, ce qui est contraire aux droits fondamentaux.
Enfin la récente visite du Premier ministre et de plusieurs membres du gouvernement à Privas a démontré toute la défiance de ces dirigeants vis à vis de la population dans son ensemble et nous fait craindre d’autant plus des dérives qui nous semblent bien loin d’un état de droit. Comment expliquer que ceux qui devraient être au service de tous et prétendent appliquer une politique démocratique, se permettent de mettre une ville et ses habitants en état de siège, pour s’épargner tout contact avec les citoyens ?
A nos yeux, ce gouvernement met en œuvre une politique d’apologie de la peur qui lui permet de tenter de reconstituer son autorité et sa légitimité dans l’offre sécuritaire. Parce que nous sommes attachés au droit à la vie privée, à la liberté d’expression, à la protection contre les discriminations, à la présomption d’innocence, nous dénonçons publiquement toutes les dérives qui, loin de permettre une lutte efficace contre le terrorisme, ne font qu’affaiblir notre démocratie.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Préfet, en l’expression de nos salutations respectueuses,
UD CGT 07, FSU 07, RESF Ardèche, Ensemble Ardèche méridionale et Nord Ardèche Drôme, Collectif ardéchois de défense et de développement des services publics, PCF, Solidaires 26/07, Association France Palestine Solidarité, MRAP Privas, Confédération paysanne Ardèche, FCPE 07, Parti de Gauche Ardèche, Fédération des Œuvres Laïques de l’Ardèche et Carrefour Laïque de Privas.