Les enseignants, les enseignantes, les AESH, les AED, les infirmières, les assistantes sociales, les psychologues, les administratifs, les agents, tous les personnels ont à cœur de faire fonctionner le service public d’éducation. Nous ne comptons ni notre temps ni notre engagement. Nous accueillons, chaque jour, dans nos écoles, dans nos établissements, des élèves aux profils différents, aux parcours de vie différents, à la sensibilité différente. Au quotidien, nous écoutons, ajustons, accompagnons, répondons, nous nous investissons dans notre mission parce que nous sommes toutes et tous animé·es par la même idée, nos élèves sont toutes et tous capables !

Mais, nous sommes empêché·es d’assumer notre mission première : faire réussir tous les élèves. Et celui qui nous en empêche n’est autre que notre ministre. Depuis des années, nous tenons à bout de bras une école qui se porte de plus en plus mal. Et aujourd’hui, plus encore avec la crise sanitaire, la colère, la fatigue et le sentiment de mépris n’ont jamais été aussi forts et présents dans la profession ! C’est pour cela que nous sommes là !

Nous sommes là pour faire face à un homme qui torpille la formation des enseignants en restreignant ses moyens comme ses contenus aux seuls domaines des maths et du français. Nous sommes face à un homme qui mine notre métier en imposant sa vision étriquée de l’école – lire écrire compter ! – en imposant avec une brutalité jamais égalée ses évaluations qui ne servent ni les élèves ni les enseignants. Apprenez au passage qu’il compte élargir ce système d’évaluation à la Petite Section maternelle ! Imaginez, des enfants de 3 ans que nous allons évaluer dès leurs premiers pas à l’école, à qui il s’agira de faire bachoter les exercices des évaluations de CP. Pas sitôt rentré, déjà fiché ! Nous sommes face à un ministre qui a une vision techniciste de l’apprentissage : pour lui un élève est une machine qu’on programme à apprendre, vision cautionnée par des neurosciences.

Nous sommes face à un ministre qui n’hésite pas à alimenter le lynchage médiatique et ainsi tenter de dresser l’opinion contre la profession ! Rappelons nous les fraises, les profs décrocheurs. Il ne souffre aucune contestation, quitte à museler totalement la parole des enseignants et enseignantes à travers l’acte 1 de sa loi pour une école de la confiance. La confiance, parlons-en : comment ose-il parler de confiance, lui qui fait preuve d’une violence et d’un mépris rarement égalés envers les personnels, lui qui remet au quotidien notre professionnalité en cause avec un mépris même plus dissimulé : notre liberté pédagogique est menacée par la sortie prochaine d’une méthode de lecture officielle, une première testée en Ardèche !

La réforme du lycée tant vantée par le ministre isole les élèves, les oblige au bachotage permanent, atomise les équipes, met en concurrence les établissements et permet tous les bidouillages locaux qui renforcent encore les inégalités. Comme en novembre, c’est sous la pression de l’appel d’aujourd’hui que le ministre a fini par accepter la semaine dernière que les épreuves de spécialités passent au contrôle continu. En renvoyant l’évaluation au local, il fait le choix de détruire un bac à valeur national.

Les personnels sont fatigués de “bricoler”, de pallier les manques de l’institution face à l’irresponsabilité de notre ministre. Il ne donne pas les moyens au service public d’éducation de faire réussir tous les élèves ! Ses annonces sur les dédoublements de CP, les classes de GS à 24 max ne sont qu’un écran de fumée faisant partie de sa stratégie communicationnelle ! Ses annonces ne sont pas accompagnées de moyens. Il parle de priorité au primaire : de quelle priorité parle-t-on lorsque les élèves sont entassés dans les classes surchargées par des années de gestion comptable de l’école ? De quelle priorité parle -t-on lorsque les RASED, des professeurs spécialisés dans l’aide aux élèves en difficulté et des psychologues de l’Éducation nationale, sont démantelés, éloignés des écoles pour être confinés à un rôle de ressources… Aujourd’hui, un tiers des écoles n’ont pas de RASED.

De quelle priorité parle-t-on lorsqu’on annonce “renforcer” le second degré en supprimant encore des postes alors que le nombre d’élèves augmente au niveau national et académique ? Le mépris se traduit ici par un gros mensonge : on remplace les postes supprimés par des heures supplémentaires, avec quelques miettes en plus pour faire croire qu’on “renforce” vraiment quelque chose. En fait c’est un plan social même pas déguisé, on est à 8000 postes supprimés depuis 2017 !

De quelle priorité parle-t-on lorsque les AESH, personnels venant en aide aux élèves en situation de handicap payés au lance pierre ( 740€/mois pour 24 h de travail par semaine), sont amenés à accompagner 6 élèves en même temps dans plusieurs établissements différents, sans la formation nécessaire et le plus souvent sans frais de déplacement !

De quelle priorité parle-t-on, enfin, lorsqu’aucun moyen supplémentaire n’a été débloqué pour faire face à une crise sanitaire sans précédent.

Les parents d’élèves sont loin d’être dupes de ce qui se passe et ils nous soutiennent pleinement. Ils perçoivent bien la complexité de mettre en œuvre une politique scolaire néfaste et porteuse d’inégalités, sans soutien de la hiérarchie, sans moyens à la hauteur des besoins. Ils ont vu lors de l’épisode de l’organisation de l’hommage à notre collègue Samuel Paty, mort d’avoir enseigné, les injonctions contradictoires de dernière minute que les personnels de l’éducation subissent depuis des années. Ils perçoivent bien les défis pédagogiques et sanitaires que posent des masques imposés aux élèves et la cacophonie d’une gestion de crise plus que calamiteuse. “Nous sommes préparés à tout” osait dire le ministre… Les parents d’élèves le voient : nous apprenons les nouvelles au même rythme qu’eux, devant nos écrans ou derrière nos radios. Aucun moyen, aucun ajustement de programme, aucune anticipation du déroulement des examens : rien n’est fait pour tenir compte des effets du confinement de mars et de la crise sanitaire ! Aujourd’hui, nous sommes ensemble, enseignants et parents, réunis. Pour défendre les classes menacées de fermeture. Pour exiger des ouvertures… pour disposer simplement de moyens. Pour assurer la meilleure éducation pour nos élèves, nos enfants.

Une fois de plus, alors que des dizaines de milliards sont alloués au secteur privé avec le plan de relance, rien n’est prévu pour l’école. Après des mois sans école, nous exigions, dès la rentrée, des moyens pour accompagner les élèves les plus en difficultés. Rien n’a été attribué pour les plus fragiles. Pourtant, l’urgence est là ! Si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est pour exiger un plan de relance. C’est de ça dont ont besoin tous les services publics. La “crise” actuelle démontre de manière indiscutable que le capitalisme néolibéral comme dogme des politiques publiques est mortifère. On ne peut continuer à nous faire croire qu’il faut “réduire les coûts” en supprimant des emplois et des financements publics alors qu’on sert sur un plateau des cadeaux fiscaux aux plus riches et aux plus grandes entreprises sans aucune contrepartie.

La FSU a des propositions, des revendications pour améliorer le fonctionnement des écoles. Il faut :

  • limiter les effectifs dans toutes les classes,
  • consacrer 10 % du nombre total d’enseignants au remplacement,
  • reconstituer les RASED avec des secteurs d’intervention ne dépassant les 1000 élèves,
  • augmenter les décharges de directions de toutes les écoles,
  • revaloriser le salaire des AESH, avec une amélioration du cadre de rémunération (augmentation des indices, création de niveaux intermédiaires) couplée à une hausse des quotités de travail,
  • revaloriser les AED, améliorer leurs conditions de travail (diminution du temps de travail, créations de postes supplémentaires, augmentation du temps de formation), augmenter leurs salaires (sans oublier les primes REP et REP+), et offrir de vraies perspectives d’avenir,

L’urgence est aujourd’hui celle d’une autre politique éducative en faveur de la réussite de tous les jeunes et de réparer les dégâts infligés à l’École depuis trois ans, de renouer avec la création de postes dans tous les métiers et de revaloriser les carrières et les rémunérations de tous les personnels de l’Éducation, en dégelant le point d’indice.

Nous continuerons à porter ces demandes, dès la semaine prochaine aux côtés des autres secteurs en rejoignant le mouvement de grève interprofessionnel du 4 février. En arrivant au ministère, en mai 2017 Jean-Michel Blanquer affirmait “il n’y aura pas de loi Blanquer et j’en serais fier”. Si seulement…