Le 27 novembre 2018 à Arras sur Rhône, trente sept stagiaires de la Drôme et de l’Ardèche avaient répondu présent·es (premier et second degré, écoles, collèges, lycées, enseignant·es, Psy-EN…).

Les interventions de Marion Huissoud-Gachet (juriste de l’association PasserElles buissonnières à Lyon) et de Mireille Peloux (enseignante ayant participé à la création du Réseau Éducation Sans Frontières) ont été jugées passionnantes, riches et pertinentes. Les aspects de la réalité juridique ont intéressés autant que les pistes d’actions possibles. Merci à tou·tes de leur participation !

L’un des objectifs de la formation était de faire le point sur la récente loi Collomb « Asile et Immigration ». Cette loi qui a permis au gouvernement d’allonger la durée maximum d’enfermement en Centre de Rétention Administratif (CRA), sans interdire l’emprisonnement des enfants, de raccourcir de moitié (15 jours au lieu d’un mois) les délais d’appel en cas de rejet d’une demande d’asile, d’autoriser le recours accru aux audiences vidéo, d’introduire un nouveau délit : celui de franchissement de frontière sans autorisation (passible d’un an d’emprisonnement), d’assortir les fameuses Obligations à Quitter le Territoire Français (OQTF) d’une interdiction de retour sur le territoire français pour ceux qui auraient déjà été expulsés…

Convention de Genève relative aux réfugiés, 1951:

Article 1er : Est réfugié, toute personne « qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner. »

« Demandeur d’asile » notion apparue en 1989, elle sous-entend un soupçon d’illégitimité de la requête. Ce « statut » interdit de travailler pendant toute la durée de la procédure (environ un an maintenant mais ce délai tend à se raccourcir encore dans le cadre des procédures accélérées).

« OFPRA / CNDA » C’est l’Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides qui peut attribuer une carte de séjour au titre de réfugié. Ce dossier complexe doit être rédigé en français en 21 jours. En cas de refus (70% des cas), un appel peut être déposé devant la Cour Nationale du Droit d’Asile. Deux procédures existent: normale pour les pays considérés comme « non sûrs » et accélérée pour les ressortissants de pays « sûrs », censés respecter les principes de l’état de droit et les libertés fondamentales, comme l’Albanie, la Georgie, le Ghana, la République Démocratique du Congo…

Comment devient-on « sans-papiers » ?

Une personne qui fuit son pays peut obtenir le statut de réfugié si elle « craint avec raison » pour sa vie si elle retourne dans son pays comme le stipule la Convention de Genève (voir ci-dessous). Or c’est à lui, demandeur d’asile, de faire la preuve de la légitimité de ses craintes ce qui, pour quelqu’un qui a fui son pays après avoir été emprisonné ou subi des violences policières, par exemple peut s’avérer délicat. Les procédures sont complexes et éprouvantes pour les demandeurs d’asile. De plus, les autorités françaises sont suspicieuses : seules 36 % des demandes d’asile ont été satisfaites en France en 2017 (source: rapport annuel de l’OFPRA 2017). Les autres, ceux à qui l’administration dit « non », sont les « déboutés du droit d’asile ». Ces familles qui ont fui dans l’urgence, qui ont choisi de tout quitter, se retrouvent alors dans une zone de non-droit, ils sont des « sans-papiers ».

« Sans papiers » au quotidien

C’est la honte qui prévaut pour les enfants comme les adultes, du fait de l’extrême précarité qu’ils subissent : l’insécurité, l’impossibilité de travailler, de gagner sa vie, de se loger. Dans cette situation, la scolarisation est, pour une grande partie des familles, un moyen de s’intégrer ; apprendre c’est avancer vers leur objectif principal : une vie meilleure. Pour les enfants, l’école est souvent un havre de paix et un lieu où ils peuvent être valorisés et vivre une vie d’enfant comme les autres. Dans le même temps, les enfants de parents étrangers devant souvent servir d’interprètes dans les multiples démarches que ceux-ci doivent effectuer, se retrouvent ainsi confrontés à des responsabilités et une réalité totalement inadaptées à leur âge.

Les enfants ont des droits ! 

  • Tout enfant présent en France doit aller à l’école, quelle que soit sa situation administrative, aucune mairie ne peut s’y opposer.
  • La PMI pallie l’absence éventuelle de vaccins.
  • Les « déboutés » ont droit à l’aide médicale de l’état et, en Ardèche, ils peuvent toucher une petite allocation pour les enfants.
  • si un·e jeune est présent·e sur le territoire avant ses treize ans et peut justifier de cinq ans de scolarisation, il ou elle a droit à régularisation dans l’année de ses 18 ans (demande à faire impérativement dans ces délais).
  • Le Conseil départemental de l’Ardèche s’oppose à la pratique des tests osseux.
  • Un parent d’enfant français est inexpulsable mais c’est le droit du sang qui prévaut en France. Le droit du sol est différé, le choix de la nationalité ne peut être fait qu’à l’âge de 13 ans.

RESF, un réseau dont nous sommes tou·te·s membres

La FSU participe et soutient le Réseau éducation sans frontières pour faire en sorte que le monde dans lequel les élèves sont appelés à vivre soit ouvert à tous, pour sortir les personnes « sans- papiers » de la dépendance et de la précarité. C’est dans ce but que les militants du réseau accompagnent les familles dans les multiples démarches administratives qu’elles doivent accomplir, organisent des actions pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur les situations qu’ils connaissent et sollicitent les services préfectoraux pour tenter d’obtenir ce qui est légalement possible. L’accompagnement s’avère d’autant plus crucial que les lois, décrets, circulaires sont complexes, changeants et susceptibles d’interprétation.

La circulaire Valls de 2012 :

Elle offre quelques possibilités de régularisation pour certaines catégories de personnes (étrangers sans papiers parents d’enfants scolarisés, ou dont le conjoint est en situation régulière, ou entré mineur en France et devenu majeur, ou ayant un talent exceptionnel, ou pour services rendus à la collectivité…) mais que le préfet peut ne pas en tenir compte en s’en référant à la loi qui, elle, est plus restrictive. Ces modalités de régularisation restent valables malgré la nouvelle loi, le pouvoir discrétionnaire du préfet à ce titre est donc encore immense.

La FSU profite de chaque Conseil Départemental de l’Éducation Nationale pour rappeler au préfet des situations qu’il a le pouvoir de résoudre ou pour appuyer des demandes d’audience de RESF. Chacun de nous peut s’investir dans le réseau et apporter un soutien à la mesure de ses possibilités, en venant manifester, en accompagnant une famille dans quelques démarches, en s’intéressant à la question pour savoir comment répondre ou vers qui orienter une famille en difficultés. N’hésitez pas à nous contacter.

Nous, agents de l’état, devons cependant nous montrer aussi parcimonieux que possible : se contenter de répondre uniquement à la question posée et ne faire figurer dans les fichiers que le minimum d’information nécessaire (dans « base-élèves par exemple), afin d’éviter de nuire involontairement aux personnes concernées, ou à celles qui suivront et dont le dossier n’aura pas été aussi détaillé.

 

Le réseau Tibérius Claudius, créé en 1994, s’est donné pour objectif d’ « Agir en justice pour défendre le droit des étrangers ». Pour ces actions en justice, rendues de plus en plus complexes par les évolutions politique, législative et réglementaire, il mandate et rétribue des avocats spécialisés dans le droit des étrangers. Tibérius peut intervenir en urgence, mais il vise d’abord à obtenir des décisions pouvant faire jurisprudence.

Le site du CASNAV est ici, portail avec des ressources, des liens et les circulaires qui définissent les conditions de prise en charge des élèves allophones.
Pour un accès rapide, voir directement la circulaire académique ici 
Le portail PARLERA peut également vous être utile.

 

Pour aller plus loin, nous mettons aussi à votre disposition trois documents (au format PDF) téléchargeables ci-dessous :

  • une liste de liens internet vers des sites de collectifs ou d’associations ;
  • une bibliographie concoctée par Mireille Peloux ;
  • un vade-mecum avec des informations diverses sur les familles/jeunes sans papier.