Nous n’allons pas revenir sur le peu de pertinence de nombreux items du LPC, ni sur le danger que certains représentent car ils appellent bien plus à un jugement de valeurs qu’à l’évaluation d’une quelconque compétence enseignée, ni sur l’hérésie de la superposition des deux évaluations (chiffrée et par compétences). L’idée de l’évaluation par compétences peut être intéressante en soi d’un point de vue pédagogique, à condition de s’entendre sur ce qu’est une compétence ; mais force est de constater que la mise en place du LPC en tant qu’outil est loin d’avoir apporté à nos pratiques une évolution bénéfique pour nos élèves, notamment les plus en difficultés, contrairement à ce que nous annonçaient les beaux discours très creux des formateurs dépêchés en urgence dans tous les établissements l’année dernière pour nous convaincre que cet outil allait permettre (enfin !…) un réel traitement « individuel » des difficultés scolaires…

La session 2011 s’était soldée par un « grand bazar » (voir l’article très bien documenté de François Lecointe sur le site du SNES Grenoble : « Livret de Compétences : On ne lâche rien ! »), chacun définissant ses propres règles et arrangeant les modalités à sa sauce dans les équipes pédagogiques, chez les chefs d’établissements et même dans les jurys des commissions de rattrapage, pour finir par faire de ce qui était présenté comme une évaluation nationale une vaste « mascarade de l’évaluation ».

La session 2012, au vu des informations qui nous ont été communiquées par les établissements ardéchois, ne devrait pas avoir gagné en cohérence. Nous n’en sommes pas encore à l’étape des jurys mais tous les LPC devaient être renseignés au plus tard le 31 mai afin que puisse s’effectuer la fameuse « bascule » en vue du brevet.

Comme l’année dernière, les avis divergeaient, aussi bien au sein des équipes que chez les chefs d’établissements. Certains de ces derniers, échaudés par le refus de leurs équipes en juin 2011, ont pris le parti de ne rien demander à personne et sont passés directement à ce qui de toute façon relève de leur responsabilité : ils ont validé eux-mêmes les LPC des élèves de 3ème seuls dans leur bureau. D’autres ont demandé aux PP de 3ème d’organiser la validation « à leur convenance », souvent à l’occasion de pré-conseils du 3ème trimestre avec la collaboration des équipes, quand celles-ci acceptaient de collaborer…

De très nombreux collègues n’ont accepté de valider qu’en bloc, certains ont refusé de le faire, beaucoup de profs principaux ont pu arguer qu’ils ne pouvaient pas prendre la responsabilité de valider seuls les compétences de toutes les matières…

D’autres collègues encore ont voulu jouer le jeu et se sont emparés du LPC dans leur classes de troisième comme substitut à la troisième d’insertion. Ces collègues ont donc construit des séquences et un processus d’évaluation du LPC pour leurs disciplines. A la fin de l’année, certains élèves avaient joué le jeu et validé leurs items, d’autres n’avaient pas travaillé et donc n’auraient rien dû valider. C’était sans compter le pouvoir de décision finale laissé au chef d’établissement qui a validé tout le monde pour parvenir artificiellement au quota de validation imposé par l’administration. Ces pratiques revenant à nier le travail des collègues rappellent douloureusement ce que subissent les collègues de langues depuis la mise en place de la validation du niveau A2 et même lors des jurys de rattrapage du DNB (hors de tout cadrage académique) !

Cette année encore, aucune tendance largement suivie ne se dégage hormis celle-ci : des milliers de cases ont été validées, souvent à la dernière minute, dans le seul but d’arriver à un taux de réussite d’au moins 80% destiné à répondre à la commande institutionnelle, travail à la chaine dénué de tout intérêt pédagogique qui a inspiré à une collègue de la montagne ardéchoise l’expression très à propos d’« Usine à cases » que nous avons reprise en titre (merci à elle !).

A la décharge des chefs d’établissements, la commande institutionnelle est effectivement très péremptoire et le chantage aux moyens alloués par le contrat d’objectif à peine voilé. Pour chaque non validation, les chefs doivent justifier des dispositifs de remédiation qu’ils ont mis en place pour aider l’élève à valider son LPC !

Qu’adviendra-t-il de ce livret si peu personnel de compétences si discutables qui semble avoir largement atteint ses limites dans la nouvelle circulaire de rentrée ? Le SNES continue à appeler à l’abandon du LPC et conseille aux équipes pédagogiques de refuser cette fumisterie, sans pénaliser les élèves, en validant en bloc les livrets.

Valérie Benmimoune