La déclaration liminaire de la FSU où il a également été question de l’état d’urgence, des lycées, de la carte des langues vivantes et de la concurrence entre public et privé, des RASED et des élèves de 2 ans.

Ce CDEN s’ouvre alors que des appels à la grève de syndicats de la fonction publique, dont ceux de notre fédération, ont conduit dans la rue nombre de nos collègues la semaine dernière. Pour le second degré, le nombre de grévistes dans les collèges était indiscutablement supérieur à 50% et les manifestants nombreux dans les rassemblements, notamment devant le rectorat. Une telle mobilisation ne nous semble pas anodine, elle ne peut pas continuer à être ignorée par notre ministère.

Par ailleurs, la FSU tient à manifester son profond désaccord et son inquiétude de voir le gouvernement s’enferrer dans ses préoccupations sécuritaires. Nous ne nions pas la nécessité de combattre les terroristes et de protéger la population mais, pour nous, la France doit rester un état de droit et les mesures prises sous le coup de l’émotion ne peuvent avoir qu’un caractère d’urgence et donc exceptionnel. Nous avons contribué à relayer au niveau départemental les appels de la Ligue des Droits de l’Homme pour dire que « l’état d’urgence et le climat de guerre intérieure alimenté par le gouvernement contribuent au renforcement des amalgames et aux pratiques discriminantes, notamment de la part des forces de police. Ce ne sont pas « les terroristes qui sont terrorisés », ce sont des jeunes et des populations victimes de l’arbitraire en raison de leur origine et/ou de leur religion qui voient leur situation encore davantage fragilisée. […] Ces multiples atteintes portées au contrat démocratique sont une mauvaise réponse aux actes terroristes. Notre pays a été blessé, mais loin d’en apaiser les plaies, l’état d’urgence risque de les exacerber en appauvrissant notre démocratie, en hypothéquant notre liberté. ».

Le gouvernement a décrété l’état d’urgence le 14 novembre dernier et, dans le cadre d’une procédure accélérée, l’a prolongé de trois mois en modifiant le contenu des pouvoirs de police (extension des possibilités d’assignation à résidence, précisions sur le régime de perquisitions, possibilité de dissolution de groupes ou associations et suppression des dispositions instituant le contrôle de la presse). Des mesures font débat depuis plusieurs semaines comme celles liées aux interdictions de manifester, aux perquisitions et aux assignations à résidence. Elles posent la question de l’équilibre entre les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif. Le Président de la République propose un projet de constitutionnalisation de l’état d’urgence, avant même de faire un bilan des mesures déjà prises au regard des objectifs visés dans la lutte contre le terrorisme.

La FSU n’est pas favorable à ce projet de constitutionnalisation car il autorise la pérennisation de dispositifs d’exception non encadrés dans leur périmètre et qui s’exonèrent d’un contrôle judiciaire dans leur mise en œuvre. La FSU refuse par ailleurs les dispositions du projet de loi pénale qui restreindraient encore davantage les libertés individuelles et introduiraient dans la justice ordinaire une partie des mesures exceptionnelles issues de l’état d’urgence. Encore une fois, la nécessaire lutte contre le terrorisme ne doit pas aboutir à sortir de l’état de droit. La mesure envisagée de déchéance de nationalité n’est pas la seule qui interroge dans ce projet mais elle est certainement la plus visible.

En reprenant une revendication des partis les plus réactionnaires, le gouvernement risque de tomber, tête première, dans le piège tendu par ceux qui sèment l’effroi. Dans le même temps, la France ouvrirait une brèche tout aussi symbolique dans le pacte républicain : une nation, un droit du sol, et à la clé une citoyenneté à double vitesse. Pour la FSU, le respect des libertés individuelles et collectives, l’assurance d’un fonctionnement démocratique sont des armes essentielles dans la lutte contre le terrorisme. Tout comme le nécessaire développement de mesures qui confortent le vivre ensemble et la justice sociale : l’éducation, la culture, le sport, l’aménagement du territoire, l’accès aux services publics, la promotion de la laïcité, la lutte contre les inégalités et les discriminations…La FSU demande que ce projet soit abandonné.

Dans les lycées, le nouveau président de région annonce un plan de très grande envergure avec l’installation de portiques de détection pour un coût chiffré à 20 millions d’euros, dans le but de traquer les drogues, les armes et les intrus potentiels. Nous ne pouvons que nous élever contre cette mesure à visée sécuritaire qui ignore totalement les réalités de terrain. D’une part, selon une récente étude de la Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance, les lycéens se sentent bien et en sécurité dans leur établissement. D’autre part, même si on compte seulement trois secondes pour le passage de chaque élève au fameux portique, l’entrée en début de journée de plusieurs centaines de personnes risque de s’en trouver terriblement allongée et de provoquer plus de problèmes que d’améliorations dans le climat scolaire.

Dans les collèges, les prévisions pour la rentrée 2016 annoncent une baisse du nombre d’élèves inscrits dans le public. Cette baisse des effectifs doit-elle être mise en lien avec les pertes enregistrées par le premier degré public au profit du privé suite à la réforme des rythmes scolaires ? Nous craignons de voir s’accentuer cette baisse de façon nette dans les années à venir puisque l’Éducation nationale prive l’enseignement public d’options qui favorisent la mixité et que certains collèges privés prétendent pouvoir maintenir. De même, nous sommes choqués par la politique initiée par la rectrice en matière de langues vivantes. Plusieurs classes bilangues dynamiques vont être supprimées dans notre département ou ne seront maintenues que dans des établissements privés. Comment l’Éducation nationale peut elle se satisfaire de « trouver un équilibre enseignement public / privé quant au choix des langues vivantes dans les différents secteurs géographiques » et de déléguer au privé confessionnel l’enseignement de certaines bilangues ? Comment l’école publique, laïque et gratuite peut elle s’accommoder de telles pratiques en des temps où la laïcité nous est présentée comme un pilier de la République ?

Dans les écoles, les enseignants du service public sont quotidiennement au côté de leurs élèves et de leurs familles. Leur engagement est total pour porter l’ambition d’une école de la réussite de tous. Ils travaillent dans un contexte social difficile. L’incertitude de l’avenir et la précarisation grandissante d’une partie toujours plus importante de la population pèsent lourd. A 8 h 30 ou 9 heures, quand l’heure de rentrée en classe arrive, ce ne sont pas les livres et les cahiers qui pèsent le plus lourds ! Face à ces constats, l’engagement de la nation doit être total.

Après trois rentrées scolaires où la priorité au primaire ne s’est pas traduite par une amélioration des conditions d’enseignement, la répartition académique des 3911 postes créés dans le premier degré à la rentrée 2016 a été dévoilée en décembre et se traduit par une hausse de 150 postes dans notre académie, 1 seulement dans notre département. Si on observait la seule baisse prévisionnelle des effectifs, à hauteur de moins 72 à la rentrée, cette dotation pourrait satisfaire certains. A y regarder de plus près, la refondation tant communiquée dans les hautes sphères peine à se traduire par du concret, du palpable, du vérifiable dans nos classes.

En effet, de nombreuses écoles du département ne disposent pas, depuis plusieurs années parfois, d’interventions des Réseaux d’Aide Spécialisés aux Élèves en Difficulté. Le ministère pointe 20% d’élèves en difficulté dès le CP. Ce sont ces mêmes élèves qui le sont en 6ème et qui parfois sortent prématurément du système éducatif sans diplôme. Quels moyens sont donc accordés aux enseignants pour qu’ils ne soient pas seuls face aux difficultés de leurs élèves ? Quelles chances sont données aux élèves pour qu’ils bénéficient d’appuis ponctuels de maître spécialisés ?

A ces questions, le ministère ne répond par aucun projet politique, aucune programmation de création de postes et de départs en formation d’enseignants spécialisés. Pire, comme nous l’apprend le dernier rapport annuel de l’OCDE, il ne s’offusque pas que 7 700 classes de maternelle soient à plus de 30 élèves et qu’un quart des classes élémentaires aient entre 25 et 29 élèves. Si les enseignants ont comme priorité n°1 de baisser le nombre d’élèves par classe, c’est pour consacrer plus de temps à chacun, c’est pour disposer de conditions d’enseignement et d’apprentissage décentes. Le langage en maternelle, c’est plus efficace à 15 qu’à 30. Le ministère serait bien inspiré d’écouter la profession et les apports de la recherche !

La difficulté scolaire ne se résoudra pas par l’interdiction du redoublement, les beaux discours de la refondation ou pire les injonctions. Elle nécessite une vision à long terme concrétisée par des moyens à la hauteur de l’enjeu. Irriguer toutes les écoles du territoire de Réseaux d’Aide complets, (comme cela est par exemple le cas en Finlande), former les enseignants en masse et donc les remplacer, abaisser le nombre d’élèves par classe, généraliser le dispositif plus de maître que de classe, permettre la scolarisation des moins de 3 ans doivent être les objectifs poursuivis.

Sur ce dernier point, nous souhaitons alerter une nouvelle fois le CDEN. En 2000, les écoles publiques ardéchoises scolarisaient 52% des élèves de moins de trois ans (contre 19 % dans le privé). Leur non prise en compte dans les prévisions de carte scolaire en 2003 pour les écoles à moins de 600m ou hors REP a fait chuter le taux de scolarisation à 16% aujourd’hui (contre 12% seulement dans le privé). On observe d’abord une chute vertigineuse de l’écart entre scolarisation des élèves de deux ans dans le public et le privé (on passe quand même d’un écart de 33 à 4 points !), de toute évidence l’enseignement privé se trouve outrageusement favorisé ! Ce qui s’apparente à une politique en faveur du privé s’est encore concrétisé avec la réforme des rythmes. Elle n’est opposable qu’aux seules écoles publiques, alors que toutes les enquêtes d’opinion continuent à pointer le rejet de cette réforme par une majorité les parents d’élèves. Une partie d’entre eux ont fait le choix d’un changement d’école. On observe encore que si le taux de scolarisation des enfants de 2 ans dans les écoles publiques de la rentrée 2000 s’était maintenu, c’est aujourd’hui 1200 élèves supplémentaires qui devraient être scolarisés. Si depuis deux ans notre organisation a obtenu, de nouveau, la comptabilisation dans les prévisions, à chaque carte scolaire l’administration se range derrière une règle comptable nationale qui fixe l’objectif de scolarisation des moins de trois ans à 11% sur le territoire et comptabilise les moins de trois ans au gré de sa volonté. Ce procédé nie les efforts de nos collègues qui scolarisent ces élèves depuis des années sans reconnaissance. « On ne les compte pas ! Et pourtant ils sont là toute l’année ! C’est une négation de notre professionnalisme, un mépris supplémentaire de notre engagement ! » témoignent-ils à chaque rencontre. Ce tour de passe-passe fait le jeu du privé dans de nombreux secteurs. Jusqu’où l’Etat ira-t-il sur cette voie cynique ? Il est temps de prendre sérieusement en compte cette réelle dynamique de notre territoire : tous les élèves de moins de trois ans doivent être scolarisés dignement et comptabilisés.

Autre réalité de notre département : la ruralité. Notre tissu scolaire est constitué à la rentrée 2015 d’une quarantaine de classes uniques et de 8 regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI). Ces organisations permettent d’abord une réelle dynamique pédagogique pour répondre aux besoins spécifiques des élèves. Ils assurent le maintien du service public d’éducation sur le territoire ardéchois, à proximité des citoyens et en lien avec la réalité de nos petits villages. Ils sont une richesse pourtant mal traitée par l’administration départementale qui considère les écoles d’un RPI comme une seule entité en additionnant les effectifs et les nombres de classes pour permettre des fermetures, et cela sans aucune prise en compte de leurs spécificités. Cette politique “comptable” entraîne ainsi des fermetures de classes là où auparavant rien n’aurait pu être prononcé. Nous demandons le retour à une pratique d’étude de chaque école car les économies d’échelles ainsi réalisées ne peuvent se faire sur le dos des élèves ardéchois et de leurs conditions d’apprentissage.

De même, les fusions d’écoles procèdent de la même logique : regrouper pour mieux fermer. A chaque fusion entre une école maternelle et une élémentaire pour créer une primaire, c’est une école maternelle et toute sa spécificité qui disparaît. En 15 ans, un tiers des écoles maternelles du département ont disparu en passant de 90 à 63 structures aujourd’hui. A chaque fois, c’est le même scénario qui est servi par l’administration pour vendre aux partenaires (parents, communes, enseignants) les bienfaits d’une fusion entre écoles. Et les élèves dans tout ça ne sont pas le soucis premier car il s’agit avant tout de gérer la pénurie des dotations nationales. En effet, en augmentant le nombre de classes et en regroupant dans une seule structure les élèves des économies d’échelles sont réalisables. A y regarder de près, les fusions d’écoles sont très, trop, souvent suivies de fermetures de classe. Pour le SNUipp-FSU, il est urgent de changer de prisme de vue sur la maternelle et la réalité rurale de notre département. La lutte contre l’échec scolaire commence dès le plus jeune âge et l’État doit y investir massivement…

Le projet de carte scolaire que nous étudions aujourd’hui porte la trace d’une vraie orientation, il déclenche aussi des interrogations en matière de répartition territoriale. La dotation de moyens pour assurer le remplacement est une nécessité absolue pour assurer continuité pédagogique et une réelle politique de formation. Les informations qui remontent actuellement des départements semblent indiquer que cette politique de création de postes de remplaçant soit national. Mais, dans une enveloppe fermée et insuffisamment dotée, elle se fait par la dégradation programmée dans d’autres secteurs. Le projet actuel programme 15 de fermetures de classes pour 5 ouvertures, la facture est salée pour une baisse prévue par le rectorat de 72 élèves ! Avec ce projet, des situations inacceptables ne sont pas actuellement prises en compte, celles des écoles de Saint Germain, du Pouzin élém, Rompon, Joannas, Tournon Luettes mat., Aubenas Beausoleil mat., St Privat Mat., Annonay Vissenty Mat., Sarras, Champagne, St Barthélémy Grozon, St Sauveur de Montaghut Mat, St Péray Brém. Mat., Lemps, St Jean de Muzol Mat. St Pierreville Cornas Mat., St Georges les bains Mat., Chomérac Mat., Guillerand Vivarais Mat., mais aussi celle de Bourg St Andéol maternelle qui n’est partiellement prise en compte en attribuant un moyen non stabilisé alors que deux écoles dépassent et avoisinent une moyenne de trente élèves par classe.

Pour établir cette liste, chacun l’aura compris, nous avons pris en compte les élèves de deux ans recensés par les collègues parce qu’ils existent et ont droit à ce formidable levier porteur de réussite scolaire de la scolarisation dès deux ans. A cette liste s’ajoutent plusieurs écoles pointées en fermeture créant les conditions d’effectifs importants, nous y reviendrons dans le débat. Si le projet présenté était confirmé, le taux d’encadrement dans les écoles publiques à la rentrée prochaine, tel que nous pouvons le calculer à cette heure, serait de 22,64 élèves par classe, un niveau historique dans le département. Pour mémoire, ce taux était de 21,32 élèves par classe à la rentrée 2000, de 22,55 à la fin de la législature précédente ! La réalité concrète de la politique de refondation, c’est un accroissement des effectifs dans les classes ! Pour comparaison, les classes de l’enseignement privé bénéficient d’un taux d’encadrement 22,38 (page 22 du tableau de bord départemental).

Au final, cette énumération, complétée par les exigences en matière de postes RASED démontre combien, malgré les déclarations, le service public d’éducation reste sous-doté et souffre d’un manque criant de postes. Si la politique actuelle de création de postes est en rupture avec les suppressions de postes de la législature précédente, elle reste insuffisante à donner aux écoles les moyens des ambitions que les personnels portent pour leurs élèves et que la nation devrait porter pour les citoyens de demain.

Le SNUipp-FSU avec la profession continuera à les exiger !