Déclaration liminaire au CDEN du 1er février 2017
Vite, toujours plus vite. Le gouvernement Macron agit avec méthode et habileté, enchaînant réformes et projets de lois divers. Toutes sont des régressions pour les droits sociaux.
Les premiers effets de sa politique se font sentir : M. Macron est bien le président des riches, qui sont les grands gagnants de ses réformes. L’observatoire français des conjonctures économiques, confirme que 5 % des ménages capteraient 42 % des gains liés aux réformes.
Avec l’application de la loi travail, c’est la possibilité de la Rupture Conventionnelle Collective qui occupe le devant de la scène : plusieurs grandes entreprises vont l’utiliser ou sont intéressées pour le faire, avec des centaines de suppressions de postes à la clé, au détriment des salarié·es.
Dans la lignée des gouvernements précédents, les attaques à l’encontre des droits et des libertés se poursuivent avec l’entrée en vigueur des mesures d’exception de l’état d’urgence dans le droit commun, la chasse aux migrant·es et aux aidant·es, et une loi Asile et Immigration dont la dangerosité est dénoncée par tous et toutes, y compris dans les rangs de la majorité. L’autorisation des contrôles d’identités dans les centres d’hébergement d’urgence n’est qu’un exemple des régressions historiques et attaques d’une violence incroyable qui sont en cours. Dans la perspective de cette chasse à l’homme annoncée, nous, agent·e·s d’un état qui se veut défenseur des droits humains, ne pouvons que trembler pour tou.te.s les élèves et les familles que nous côtoyons tous les jours, demandeurs d’asiles si souvent déboutés. Nous prenons donc la liberté de demander à Monsieur le Préfet d’accepter d’examiner avec la plus grande bienveillance les demandes de régularisation qui lui sont présentées, notamment avec l’aide des militant·e·s du Réseau Éducation Sans Frontières. M. Macron entend faire un tri entre les « bons » et les « mauvais » migrant.e.s. Pour les voir à l’œuvre à l’école de la république, nous sommes en capacité de d’affirmer que ce sont de « bons » élèves, des élèves travailleurs, motivés, très souvent en réussite et souhaitant ardemment s’insérer dans notre société malgré tous les écueils rencontrés depuis le début de leur parcours. Et au-delà même de cela, est-il digne pour une nation qui se veut humaniste d’envisager de « trier » des individus en grande difficulté, a fortiori des enfants ?
Le tri social, c’est décidément une ligne de conduite récurrente dans l’action du gouvernement . La sélection pour l’entrée à l’université est en train d’être mise en place avec Parcoursup, le rapport Mathiot préconise une réorganisation du lycée : des réformes à nouveau pilotées par des considérations budgétaires qui nuiront d’abord aux jeunes issu·e·s des classes populaires. La hausse démographique est une richesse et la démocratisation de l’ enseignement supérieur un progrès, or ces réformes dans le second degré et l’enseignement supérieur vont aggraver la fracture sociale entre les classes privilégiées et le petit peuple.
Concernant la Fonction Publique, le plan Action Publique 2022 est présenté comme une volonté de « réinterroger » l’action publique, son l’objectif avoué est le transfert de missions au secteur privé, voire leur abandon pur et simple au prétexte de « réduire les coûts ». Les forums Action Publique ne seront qu’une mascarade de consultation, les seuls qui auront véritablement voix au chapitre sont les membres du comité Action Publique 2022, dont ni les usagers des services ni les agents ne font partie ; seuls des banquiers, des membres de conseils d’administration de grands groupes, de très hauts fonctionnaires et des entrepreneurs de start-up le composent. C’est pourquoi nous appelons nos collègues à participer massivement à la consultation alternative proposée par la Convergence Nationale des Services Publics.
Le projet de loi « Pour un état au service d’une société de confiance » prône ensuite une dématérialisation à tout va, au détriment du lien entre agents et usagers, de l’accompagnement de ces derniers, malgré le bilan déplorable de cette opération à Pôle Emploi et les conséquences alarmantes de la dématérialisation des dépôts de dossiers de bourses de nos élèves.
Enfin, le point d’indice n’est toujours pas dégelé, le jour de carence pour les fonctionnaires est revenu, l’augmentation de la CSG pour les retraité·e·s n’est pas compensée ou supprimée, pour les fonctionnaires cette augmentation n’est pas compensée dans la durée. Enfin le rendez-vous salarial se fait attendre et les premiers signaux du gouvernement laissent à envisager la poursuite d’une politique punitive et méprisante.
Le projet du gouvernement est bien porter de nouveaux mauvais coups aux services publics et à ceux qui le servent. C’est une nouvelle remise en cause des solidarités induites par notre modèle social au service des populations les plus avantagées et au détriment des plus fragilisés.
Déclaration spécifique 1er degré
Après deux législatures différentes en termes d’orientation budgétaire pour l’école, où en sommes-nous aujourd’hui en Ardèche ?
Observons les évolutions connues par notre département en 10 ans. Comparons quelques données départementales entre les rentrées 2008 et 2018 sur la base des prévisions et du projet de carte scolaire.
Côté postes, sur une décennie, la balance du département sera de moins 3,5 postes (-6400 au plan national). Pour ce qui est des effectifs, l’Ardèche devrait avoir 701 élèves de moins qu’à la rentrée 2008. Notons que cette perte d’effectifs s’explique à 80% par la baisse massive de la scolarisation des deux ans. En maternelle, la part de la scolarisation des élèves dans le public a augmenté de 3 à 5 points dans toutes les classes d’âge sauf pour les 2 ans où elle a massivement reculé.
Au final, le taux d’encadrement global aura bougé de 3 dixièmes d’élèves par classe, c’est mieux que rien mais ce n’est pas suffisant pour créer la rupture indispensable en terme de condition d’apprentissage et d’enseignement. Dans le même temps, le département aura perdu 19 classes et 17 écoles (13 ayant fait l’objet d’une fusion avec une autre école). En approfondissant l’observation des mesures prises, on s’aperçoit que 28 postes d’aide aux élèves en difficulté ont été supprimés : des postes de psychologues, de maîtres spécialisés. Il y a dix ans, 16 maîtres rééducateurs intervenaient dans le département auprès des élèves en rupture avec les apprentissages. L’administration départementale les a d’abord discrédités pour mieux les supprimer. Sans réponse pour les élèves qui bénéficiaient de cet apport, les difficultés n’ont pas disparu pour autant (elles ont même explosé puisque cela devient une problématique nationale). Dans le même temps les annonces ministérielles sur la priorité à la formation se sont succédées quand, comble du cynisme et du mensonge, celle-ci se réduisait à peau de chagrin. Le département n’a même plus les moyens d’envoyer ses personnels en stage de formation. Il s’agit aussi de noter les avancées enregistrées à force d’interpellations du SNUipp-FSU et d’actions avec les personnels : ont ainsi été créés 3 postes de maître E, 12 classes ULIS pour les élèves en situation de handicap, 7 postes de remplaçants et des postes de Plus De Maîtres Que De Classes.
Un fois ces chiffres posés, il est aisé de constater qu’il n’y a pas eu de révolution dans les classes ardéchoises. Nos collègues continuent de demander un abaissement significatif du nombre d’élèves par classe. Car les effectifs, ça compte ! Rappelons qu’en France, en 2016, près de 100 000 classes comportaient 25 élèves ou plus, dont environ 7 000 à plus de 30 élèves, selon les chiffres fournis par le ministère. Si d’après la dernière étude internationale PIRLS, le niveau des élèves français baisserait, la seule réponse du ministre, est de vouloir comme en 2008 appuyer de nouveau sur les fondamentaux. Or, nul ne peut ignorer que le nombre d’élèves par classe est un des leviers de la réussite scolaire. Ce n’est pas le seul bouton sur lequel appuyer. Certes il faut aussi regarder du côté des pratiques enseignantes, de la formation, de la mixité scolaire, des inégalités sociales. Mais l’influence de la taille des classes ne fait aucun doute.
Le ministère en a conscience puisqu’il a instauré le CP à 12 dans les REP+ cette année, en projetant pour la prochaine rentrée le dédoublement des CP en REP et des CE1 en REP+ « là où c’est possible ». Mais la mise en œuvre de cette politique se fait trop souvent par redéploiement de moyens. Alors que 12 000 postes seraient nécessaires pour mettre en œuvre cette mesure sur la législature, le gouvernement n’en prévoit que 4000. C’est donc sur des dispositifs indispensables pour le fonctionnement de l’école que le ministère puise les moyens nécessaires, notamment en affectant aux CP dédoublés une partie des postes du « Plus de maître que de classes ». Ce ne sera heureusement pas le cas dans notre département à la prochaine rentrée.
Les conditions de mise en œuvre de la réforme des rythmes a conduit à son échec. Le gouvernement de l’époque, sans concertation, mais s’étant adjoint le soutien servile de quelques organisations, a créé les conditions d’une déstabilisation du service public au profit de l’enseignement privé. Les renoncements du gouvernement face au lobby de l’or blanc en matière de calendrier scolaire, l’augmentation des taux d’encadrement dans le cadre des Temps d’Activité Périscolaire, les disparités quant aux contenus et possibilités financières, l’essoufflement des collectivités face à l’absence de soutien de l’Etat, ont vite eu raison de la propagande et des campagnes médiatiques du ministère sur un pseudo intérêt de l’enfant. Après quatre ans de fonctionnement ou de dysfonctionnement, dès que la brèche a été ouverte, parents, collectivité et enseignants ont massivement voté pour un retour à 4 jours et cela dans des délais extrêmement court : plus 60% sont retournées à 4 jours dès cette rentrée. Ce CDEN va de nouveau étudier la situation de 70 écoles dont les conseils d’école et les communes demandent le retour à 4 jours. C’est le désaveu cinglant d’une réforme et d’une méthode qui n’a jamais ne serait-ce que porté en germe l’intérêt de l’enfant, de son origine et aujourd’hui, le discrédit n’a fait qu’augmenter ! Quel gâchis ! Alors que tous les acteurs étaient prêts à réfléchir sur des bases sérieuses ! Le Snuipp rappelle la position qui a toujours était la sienne dès l’annonce de cette réforme par le premier ministre de l’époque en date du 22 juin 2012 : « Une réforme c’est une amélioration pour les élèves, les personnels et le service public ». Faute d’avoir respecté les acteurs, à force de mensonge sur le but réel de cette réforme, elle a été rejetée et il est fort à craindre qu’une réflexion sérieuse sur cette question ne soit plus possible pendant longtemps ! Nous le répétons : quel gâchis !
Déclaration Spécifique second degré EPS
Depuis quelques temps les enseignants d’eps commencent à être inquiets.
De nombreux signaux envoyés par le gouvernement réactivent une mémoire encore sensible.
Avec la réforme du collège, et la refonte du diplôme national du brevet, l’EPS n’est plus reconnu comme discipline à part entière mais seulement comme participant à l’acquisition de certaines compétences générales du socle commun. Aucune de ces compétences ne requièrent d’apprentissage spécifique à l’EPS.
Les nouveaux programmes s’inscrivent également dans cette logique de dénaturation en assimilant les sports en “champs d’apprentissage” : faire du rugby serait de même nature que faire du tennis de table.
L’autorité et la légitimité d’un enseignant vient essentiellement de sa maîtrise d’un “savoir”, quel est le savoir spécifique à l’EPS identifiable au sein de ces textes ?
Cette orientation didactique fait système avec une série de mesures prises telles que :
La circulaire nationale de cadrage de l’enseignement des activités de pleine nature, et l’extension de ce type de protocoles à d’autres activités : qui contraint l’enseignant dans sa pédagogie.
L’annonce de la baisse du recrutement, malgré le déficit de titulaires.
Le recours croissant à des non titulaires : actuellement il y 2 fois plus de contractuels que de TZR dans notre académie.
Ce système semble se renforcer par d’autres mesures en cours d’élaboration :
Baisse du volume de formation pour les enseignant stagiaires,
Refonte voir disparition des ESPE (ex IUFM)
Création d’un circuit court de formation “métiers du sport” : BTS, bac pro
Dans ce contexte global l’enseignant concepteur, cadre A de la fonction public, tend à disparaître.
Son avenir semble se dessiner comme dans les années 70 dans les centres d’animation sportive.
Parce que l’histoire ne doit pas se répéter, parce que les apprentissages culturels ; tels que la connaissance des activités sportives, sont incontournables, parce que l’EPS ne peut pas se résumer à une participation aux parcours santé et citoyenneté, le SNEP invite chacun à participer aux manifestations de désaccord qu’il organise.
Déclaration générale Second degré
La période des dotations globales est depuis plusieurs années l’occasion de constater les méfaits d’une gestion libérale des moyens dévolus à l’Éducation Nationale : un budget a minima construit sur le présupposé capitaliste que les services publics sont un coût avant d’être un investissement pour l’avenir, une charge avant d’être un dû aux futur·e·s citoyennes et citoyens de notre pays.
S’ensuivent, au niveau académique, puis au niveau départemental, puis au sein des établissements, des répartitions d’heures qui jouent aux vases communicants pour tenter de pallier l’insuffisance des moyens et qui mettent en concurrence les différents acteurs de l’éducation. Est-ce là une vision d’avenir pour l’Éducation Nationale ? La secrétaire générale du rectorat a annoncé elle-même en CTA que les moyens donnés à l’académie n’étaient pas à la hauteur de la hausse démographique. Sur le terrain, les équipes consacrent une énergie colossale à tenter de concilier les ambitions pédagogiques pour leurs élèves avec les moyens insuffisants qui y sont dévolus. En cela, il ne s’agit pas de faire des choix, mais de renoncer pour éviter le pire.
L’Ardèche est le seul département qui perd des ETP, et semble avoir elle-même servi de variable d’ajustement pour compenser les tensions démographiques importantes dans les autres départements de l’académie. La mise en concurrence se vérifie aussi avec la globalisation des dotations Segpa et collège.
Et que penser d’un fonctionnement qui consiste à remettre en cause et réorganiser chaque année les enseignements et les projets des équipes pédagogiques ? Toute ressemblance avec des logiques managériales ayant court en entreprise ne sont pas fortuites. Les ravages du management ont pourtant été largement démontrés ces dernières années, mais dans l’Éducation Nationale, force est de constater que cette doctrine continue à se développer.
A la lumière de ce constat, l’augmentation du nombre d’heures supplémentaires exigées des personnels enseignants dans la dotation globale initiale entre en résonance avec le choix du ministère de répondre à la crise du recrutement sans précédent des professeur·e·s par l’abaissement de 1300 le nombre de postes destinés aux enseignant·e·s stagiaires. Voilà, à nouveau, l’illustration d’une logique de système aux antipodes du projet éducatif que défend la FSU et qui, de régressions en régressions, accentue ce malaise des enseignant·e·s que décrivent toutes les études récentes.
La FSU réaffirme aujourd’hui en CDEN ses ambitions pour le second degré et l’existence d’une alternative au fonctionnement austère qui est présenté comme la seule possibilité. La baisse des effectifs dans les classes doit rester l’objectif pour améliorer les conditions d’étude des élèves, les conditions de travail des enseignant·e·s et permettre à tous les enfants de progresser et s’épanouir à l’école.
Nous tenons à pointer qu’au vu des prévisions qui nous sont présentées, 16 divisions supplémentaires sont indispensables dans les établissements où sont prévus des effectifs à plus de 27 élèves par classe. De plus, nous réaffirmons que, pour de bonnes conditions d’enseignement, le seuil à ne pas dépasser devrait être de 25 élèves par classe au maximum, et que, pour atteindre cet objectif, c’est l’ouverture de 25 divisions qui est en fait nécessaire.
C’est dans ces conditions-là que les enseignantes et les enseignants seront en mesure de différencier et d’individualiser les parcours d’apprentissage, d’accueillir convenablement des élèves primo-arrivants chaque année plus nombreux et de garantir une communication avec les familles véritablement satisfaisante.
Enfin, en cette période de répartition des dotations, nous souhaitons rappeler notre exigence qu’aucun complément de service ne soit imposé à un.e enseignant.e alors que des heures supplémentaires pour un volume au moins égal dans sa matière sont prévues dans son établissement. Ces dernières années, le nombre d’enseignant·e·s qui effectuent leurs services sur deux voire trois établissements ne cesse d’augmenter. Dans le même temps, le taux d’heures supplémentaires imposée dans les dotations que doivent se répartir les collègues s’élève aussi. Nos « managers » aspirent à une plus grande flexibilité des enseignant.e·s alors qu’ils méconnaissent tout de notre métier et de l’investissement qu’il requiert. Cette politique, en dégradant les conditions de travail, est le meilleur moyen pour aggraver les problèmes de santé et décourager les vocations. Ce n’est pas dans cette gestion des personnels que sera trouvée l’efficience recherchée. Et dans une profession très majoritairement féminine, elle constitue même une atteinte à l’égalité puisqu’une dégradation supplémentaire des conditions de travail des enseignantes et enseignants discrimine encore davantage les femmes.